L'Antigone de Maria Zambrano et de Simone Weil

Dans cette article j'ai travaillé sur l’importance que prend, dans la pensée de María Zambrano et dans celle de Simone Weil, la figure tragique d’Antigone. L’une et l’autre ont écrit des pages d’une grande beauté qui rendent à cette figure extraordinaire toute sa force poétique et politique. L’originalité de leur lecture – on dira plutôt réécriture s’agissant de María Zambrano – nous permet de saisir, comme le faisait déjà Sophocle, la souffrance au coeur de la subjectivité humaine tendue entre l’aspiration à la justice et la valeur de l’action en tant que telle. En effet,Antigone représente la possibilité d’une conscience différente – une conscience de paix – qui remet radicalement en question le processus de la divinisation de soi (l’extrême narcissisme), de l’affirmation de la volonté de puissance qui se manifeste particulièrement dans les temps de guerre. Les circonstances de la guerre d’Ukraine rendent très actuelles ce qu’il y a d’éternel dans une Antigone figure de justice et d’amour tel Eros - au sens grec - face à la Raison d’État, c’est-à-dire à la violence de l’État. Il s’agit, avec Antigone, de suivre la possibilité d’une autre histoire et de réveiller dans notre actualité la mémoire de notre être le plus profond propre à mettre au jour une conception inédite de la liberté humaine, qui renouvelle le pacte avec l’univers et ceux qui le peuplent, ouvrant de nouveaux horizons à la construction d’une civilisation nouvelle.